05 / 11 / 2018

Au cours du deuxième semestre de 2017, une enquête a été menée auprès des institutions membres du Réseau pour l’intégrité. Treize membres sur quatorze ont participé à cet exercice. Composé de 171 questions, le questionnaire a abordé des sujets divers, allant des budgets annuels aux calendriers des événements, et a ainsi permis de développer des profils complets et harmonisés de chaque institution participante. Ces profils mettent en lumière à la fois la diversité et l’unité du Réseau : malgré les spécificités nationales, ses membres partagent des intérêts, des valeurs, et des attentes communes.

Le présent rapport analyse les principaux résultats de l’enquête, établit des comparaisons entre les institutions membres et identifie des tendances collectives. Son objectif est de donner une image globale du Réseau pour l’intégrité, tel qu’il existe actuellement, et de fournir une base pour des échanges à venir. En particulier, ce rapport a pour but d’aider à l’élaboration du nouveau plan stratégique qui guidera les futures activités du Réseau. Les résultats de l’enquête sont divisés en cinq parties thématiques : 1) paysages institutionnels ; 2) cadres juridiques ; 3) systèmes de la fonction publique et règles éthiques ; 4) mécanismes d’application et transparence ; 5) initiatives pédagogiques et pratiques de coopération.

1. Paysages institutionnels

En interrogeant les membres sur leurs structures, leurs missions et les moyens à leur disposition, l’enquête a permis de cartographier les paysages institutionnels du Réseau. En premier lieu, toutes les institutions membres ont été créées après 2000 et sont donc relativement récentes. En effet, le débat mondial sur l’intégrité publique, la transparence et l’éthique a pris de l’ampleur ces dernières années. Dans ce contexte, de nombreux pays de différents continents ont créé des institutions chargées de missions liées à ces questions.

De plus, l’enquête a révélé que le nombre d’agents varie considérablement d’un organe à l’autre : un peu moins du tiers des membres (31%) emploient entre 100 et 299 agents, tandis que les institutions ayant un effectif inférieur à 50 agents représentent le même pourcentage (voir le graphique 1). En ce qui concerne les moyens et les instruments dont disposent les institutions pour remplir leurs missions (voir le graphique 2), la plupart d’entre elles (11 sur 13) ont répondu qu’elles dépendent de la coopération avec les autorités judiciaires. Ce résultat peut être compris à la lumière du fait que toutes les institutions membres, comme prévu dans l’article 4 de la Charte du Réseau pour l’intégrité, ont un statut non-juridictionnel. Pour cette raison, la coopération avec les autorités judiciaires compétentes est essentielle. En outre, l’enquête a montré qu’un peu plus de la moitié des membres interrogés possèdent des outils de veille et de recherche. Le développement de tels outils pourrait être davantage encouragé.

2. Cadres juridiques

Tous les membres du Réseau ont confirmé que leurs États respectifs ont ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption, le seul instrument anticorruption universel et juridiquement contraignant. Par conséquent, toutes les institutions membres partagent les valeurs et les normes inscrites dans cette convention. D’autre part, cinq pays sur treize (approximativement 38%) n’ont pas ratifié ou adhéré à la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Cependant, tous les pays ont rejoint d’autres conventions ou initiatives anticorruption.

En matière de législation nationale, tous les pays représentés ont établi une réglementation sur l’intégrité des responsables publics. Globalement, les responsables publics sont tenus responsables de la manière dont ils exercent leurs fonctions. De même, ils sont soumis à des obligations liées à la transparence, telles que des obligations déclaratives (voir le graphique 3). Des déclarations de revenus et de patrimoine sont systématiquement requises dans tous les pays interrogés. En revanche, les déclarations d’intérêts, de cadeaux et d’autres avantages sont relativement moins répandues.

Toutes les institutions membres ont déclaré que leurs pays disposent d’autorités spécialisées dans la lutte contre la corruption, presque 70% de ces autorités sont financièrement et administrativement indépendantes. La corruption domestique active ou passive constitue une infraction pénale dans l’ensemble des législations nationales. Toutefois, la corruption d’un responsable public étranger n’est pas une infraction pénale dans trois États examinés (23%). Dans la plupart des pays (10 sur 13), il n’y a pas de lois, règlements ou pouvoirs pour refuser l’entrée sur le territoire aux agents publics étrangers accusés ou reconnus coupables de corruption. Enfin, une majorité des États (11 sur 12) disposent de procédures et d’outils de dénonciation : presque 77% d’entre eux ont des lois pour protéger les lanceurs d’alerte dans le secteur public, mais seulement 38% ont des dispositions légales équivalentes pour le secteur privé.

3. Systèmes de la fonction publique et règles éthiques

L’enquête a exploré les systèmes de fonction publique et s’est penchée sur les règles éthiques qui régissent la conduite des responsables publics dans différents pays. Même si tous les États analysés ont une fonction publique de carrière, dans plus de la moitié d’entre eux elle ne s’applique pas à tous les agents de l’administration publique. De fait, le recrutement d’agents contractuels est assez répandu. Les procédures d’entrée dans la fonction publique sont rendues publiques dans plusieurs États (plus de 60%), la transparence est donc mise en avant. Dans 92% des pays, il existe des écoles ou des programmes dédiés à la formation des fonctionnaires. Il est à noter que des formations adaptées concourent à l’émergence de cultures de la fonction publique, avec leurs propres codes et coutumes. Puisque l’un des principaux objectifs du Réseau est de diffuser une culture de l’intégrité, les programmes d’éthique des formations destinées à des agents publics, là où ils existent déjà, et la création de nouveaux programmes, le cas échéant, pourraient être discutés entre les institutions membres.

Par ailleurs, des règles et normes éthiques sont applicables aux fonctionnaires afin de garantir l’intégrité du secteur public. Toutes les institutions interrogées ont affirmé que leurs pays définissent, préviennent et sanctionnent les conflits d’intérêts. Néanmoins, la collecte et le contrôle des déclarations d’intérêts ne sont pas systématiques. Dans certains pays (31%), les procédures de vérification font toujours défaut (voir le graphique 4). De surcroît, tous les États  n’ont pas des restrictions quant à la nomination des membres de la famille à des postes publics (voir le graphique 5, seulement 62% des pays étudiés ont mis en place de telles restrictions) ou en matière d’emploi à l’issue des fonctions publiques (30% des institutions ont indiqué que leurs pays ne régulent pas le pantouflage).

Le champ des systèmes de déclaration de patrimoine varie aussi selon les pays et les institutions membres. Certains systèmes exigent que tous les responsables publics déclarent leur patrimoine, alors que d’autres choisissent de se concentrer sur les hauts fonctionnaires et les élus (voir le graphique 6).

La plupart des institutions (12 sur 13) publient le contenu des déclarations de patrimoine. La majorité des systèmes de déclaration de patrimoine (85%) incluent également une fonction de contrôle. Toutes les institutions ont certifié que des sanctions sont imposées en cas de non-respect des obligations déclaratives. Par conséquent, les membres du Réseau pourraient partager leurs bonnes pratiques dans ces domaines. À cet égard, il serait pertinent d’échanger des expériences sur la façon dont les institutions publient et contrôlent les déclarations de patrimoine, et sur la manière dont elles abordent la non-conformité. Ces aperçus pratiques et leçons concrètes bénéficieraient à tous les membres en les aidant à perfectionner leurs propres systèmes de déclaration de patrimoine.

4. Mécanismes d’application et transparence

Les règles éthiques mentionnées ci-dessus sont mises en œuvre au travers d’un certain nombre de mécanismes. Les manquements des responsables publics sont soumis à différents types de sanctions et de mesures disciplinaires (voir le graphique 7).

Les sanctions sont des instruments utiles pour dissuader les manquements à la probité. Cependant, la simple existence de sanctions ne suffit pas à assurer l’intégrité publique. L’enquête a montré que la mise en œuvre des règles éthiques est marquée par un manque d’information et de transparence. Seulement 23% des institutions membres ont attesté que leurs pays disposent d’indicateurs et/ou des statistiques pour mesurer les atteintes à l’intégrité. Des outils de suivi pourraient être développés afin de permettre aux citoyens d’inspecter les manquements des agents publics et ainsi de renforcer la responsabilité publique. De surcroît, les immunités peuvent potentiellement nuire à l’application des règles éthiques et pourtant elles sont garanties pour certains responsables publics par la plupart des législations nationales (dans 11 pays sur 13).

Une plus grande transparence peut être observée dans le domaine des marchés publics. La grande majorité des pays publie en ligne les lois et les politiques relatives à la commande publique, ainsi que les critères de sélection et d’évaluation. Des initiatives visant à promouvoir la transparence et l’intégrité des marchés publics existent dans tous les États analysés.

5. Initiatives pédagogiques et pratiques de coopération 

Les initiatives pédagogiques jouent un rôle notable dans la lutte contre la corruption : 85% des membres interrogés ont précisé que leurs institutions donnent accès aux responsables publics à des formations sur la prévention de la corruption et/ou la promotion de l’intégrité (voir le graphique 8). Les associations professionnelles et les organisations de la société civile offrent également des formations anticorruption dans la majorité des pays examinés (presque 70%). En outre, 62% des membres ont déclaré que leurs institutions nationales participent à au moins une initiative pédagogique internationale de lutte contre la corruption (voir le graphique 9).

Les pratiques de coopération sont bien établies dans la plupart des pays : 92% des institutions ont répondu que leurs autorités nationales coopèrent et partagent des informations avec les services d’intégrité des organisations internationales. De plus, le Réseau pour l’intégrité peut être considéré comme un cadre de coopération internationale. Les institutions membres s’attendent à ce que le Réseau augmente leur visibilité, leur permette de partager des informations et des expériences, et les aide à renforcer leurs capacités institutionnelles en offrant des formations et en stimulant l’apprentissage mutuel. Dans cette perspective, les membres soutiennent l’organisation de conférences, de séminaires, de groupes de travail et de formations, ainsi que la préparation de lignes directrices, d’études et d’articles.

Le Réseau pour l’intégrité est perçu comme une opportunité d’échanger des connaissances sur les mesures et les méthodes de prévention de la corruption. Trois sujets principaux ont été proposés comme des priorités pour les futures activités du Réseau :

  1. les lignes directrices sur l’éthique dans le secteur public (la compilation de codes d’éthique pour les responsables publics et la rédaction de lignes directrices sur l’intégrité ont été suggérées);
  2. les approches comparatives des systèmes de déclaration de patrimoine et le partage des bonnes pratiques;
  3. les solutions de systèmes d’information, la collecte et la gestion de données.

 

Conclusion

Le présent rapport a démontré que l’enquête diagnostique du Réseau pour l’intégrité constitue un outil efficace pour dresser un tableau détaillé des institutions membres et planifier les prochaines étapes. L’enquête a mis en évidence que des outils de veille et de recherche pourraient être développés, notamment en ce qui concerne l’évaluation des atteintes à l’intégrité publique. D’autre part, elle a révélé que, malgré les différences institutionnelles et des contextes nationaux variés, tous les membres du Réseau valorisent le partage des connaissances et des expériences. Par conséquent, l’apprentissage mutuel et la coopération peuvent être considérés comme les fondements du Réseau.

En conclusion, l’enquête a permis de mettre en lumière les attentes des institutions membres. Les membres s’attendent à ce que les activités futures du Réseau portent sur l’éthique dans le secteur public, les systèmes de déclaration de patrimoine et de la gestion des données. Ces sujets seront donc abordés dans le plan stratégique et les prochains événements du Réseau.